L’angélisme naïf des intellectuels qui défendent les religions
À chaque attaque islamiste, des intellectuels, des philosophes, des chroniqueurs proclament sur toutes les tribunes que cela n’a rien à voir avec l’islam et font des pirouettes intellectuelles incroyables pour absoudre l’islam de tout blâme. Il est extrêmement mal vu de parler en public du mal causé par les religions. Malgré les égorgements, malgré les décapitations, malgré les cadavres.
Leurs corps criblés de balles à peine refroidis, les dessinateurs de Charlie Hebdo se sont fait accuser d’avoir abusé de la liberté d’expression pour stigmatiser une communauté ethnique opprimée. De l’avis de nombreux charognards, on devrait respecter l’interdiction de représenter Mahomet. Les non-musulmans devraient se soumettre à une règle de l’islam. C’est comme s’il fallait s’abstenir de boire de l’alcool dans un restaurant au cas où un musulman serait offensé de nous voir pécher.
Le 13 janvier 2015, moins d’une semaine après le carnage, le « philosophe » Michel Seymour écrit sur Facebook que puisque les musulmans forment un groupe minoritaire et qu’ils peuvent vivre un sentiment d’aliénation, que « l’auto-censure est de mise » et que « ce n’est pas le temps de critiquer l’islam ». Le pauvre Seymour erre complètement — quand des gens offensés deviennent un motif de censure, offenser devient d’autant plus un devoir.
Depuis, le discours de plus en plus d’intellectuels sur la liberté d’expression c’est « Oui, mais… » Ils croient de plus au droit fictif de ne pas être offensé. En 2020, le premier ministre du Québec François Legault se fait traiter de raciste pour avoir dénoncé « l’attaque islamiste » du 29 octobre en France en disant qu’elle est « islamiste ». Le tueur avait pourtant hurlé qu’il faisait couler le sang au nom d’Allah. Pour bien des gens, les faits sont devenus racistes et la vérité ne respecte pas les standards de la communauté.
Au Québec, la plupart de nos intellectuels publics ont seriné que les attentats islamiques n’ont rien à voir avec l’islam et s’empressent de défendre rhétoriquement la religion mahométane.
Par exemple, voici ce que Jean Grondin, professeur de philosophie à l’Université de Montréal, écrit à propos du terrorisme islamiste et de l’intégrisme créationniste dans À l’écoute du sens : « À mes yeux, ces manifestations, ces horreurs, ne sont pas religieuses, mais avant tout politiques et sociologiques. »
Je vois nos intellectuels à tendance socialiste protéger leur nouvelle victime fétiche, l’immigrant musulman, en disant qu’il est complètement vain de critiquer les groupes religieux extrémistes en tant que tels, car cela masque les causes réelles de leur existence : la misère et la pauvreté. Placage simpliste des dogmes marxistes au phénomène religieux ! Est-ce la pauvreté qui engendre le fanatisme religieux ou est-ce le fanatisme religieux qui engendre la pauvreté ?
La religion maintient certainement des peuples dans la pauvreté, en leur faisant croire qu’ils sont nés pour un petit pain et en décourageant la lecture et la pensée critique. Mais il est aussi vrai que les pauvres peuvent trouver refuge et espoir dans la religion. La religiosité cause de la pauvreté ? La pauvreté cause de la religiosité ? Qui peut dire lequel vient en premier ?
Nous avons peut-être affaire ici à un faux dilemme. La religion est l’abus de confiance des désespérés. Mais l’éducation peut faire la différence, car elle donne accès aux critiques des religions. Si c’est la pauvreté qui est la cause des crimes commis au nom de Dieu, peut-on me dire où sont les terroristes haïtiens ?
D’autres intellectuels disent que le terrorisme islamique est la conséquence d’un désarroi moral, d’un nihilisme qui ronge le monde. Le professeur de philosophie retraité de l’UQAM Georges Leroux a écrit dans Le Devoir que l’islam « pathologique » de ces militants radicalisés n’a rien à voir avec l’islam communautaire, qu’il est plutôt l’expression, d’une misère du ressentiment qui menace l’islam tout entier. D’après Leroux, le dieu des terroristes n’est pas Allah, mais un nihilisme dévorant qui dénature l’islam et en pervertit l’essence. Reprenant le discours déresponsabilisant et victimaire de la nouvelle gauche, Leroux ajoute que c’est l’Occident oppresseur qui a enfanté ce monstre et qu’on ne devrait pas s’étonner qu’il se retourne contre nous.
Lorsqu’il s’agit de bienfaits, comme le progrès moral, la religion en est l’origine, mais lorsqu’il s’agit de méfaits, comme les guerres ou le terrorisme, la religion n’en est jamais la cause directe. C’est comme si le bien venait de la religion, mais pas le mal. Cette contradiction révèle l’existence de biais en faveur de la religion.
Angélisme naïf !